Mani, un fou de Dieu
Venus d'Iran au IIIe siècle, les manichéens sont perçus comme des Perses, vieux ennemis des Romains. Leurs détracteurs jouent sur le nom de leur prophète, Mani, pour le rapprocher du terme méprisant de folie ( mania , en grec).
A l'origine du monde, une opposition de deux royaumes, celui de la Lumière et celui de la Ténèbre donne lieu à une guerre primordiale. Il en ressort l'offrande en sacrifice d'un Homme primordial et toute une série de péripéties pour le sauvetage de cet Homme primordial ; il en résulte la mise en place d'une création de plusieurs mondes où les particules de lumière sont emprisonnées dans des corps de Ténèbre.
Par Jean-Daniel Dubois *
La langue française a intégré depuis longtemps le terme « manichéen ». Une « perspective manichéenne », par exemple, est qualifiée telle parce qu'on la trouve simpliste ou schématique ; l'emploi de l'adjectif « manichéen » est fréquent dans un contexte où l'on oppose une vision des choses à une autre, une position politique à une autre, une religion du bien à une religion du mal. Cet usage de la langue remonte à plusieurs siècles, à une période où l'adjectif « manichéen » servait à désigner n'importe quelle sorte d'hérétiques au Moyen Age : cathares et albigeois, et déjà, avant eux, bogomiles et pauliciens. Les églises chrétiennes ont souvent pratiqué la chasse à l'hérésie en agitant l'épouvantail du manichéisme. Mais la réalité historique derrière ce terme est tout autre.
Dans l'Antiquité déjà, le terme manichéen a servi à couvrir d'opprobre des hérétiques variés. Or, ce phénomène s'explique quand on revient aux deux premiers siècles de l'histoire de l'expansion de la religion manichéenne dans l'Empire romain. La religion manichéenne est née en Iran au IIIe siècle de notre ère et s'est répandue en Orient et en Occident dès cette période-là. En entrant en Occident par les marges orientales de l'Empire romain, les premiers manichéens ont été perçus comme des Perses, des espions, venus de l'Iran sassanide, l'ennemi de longue date des Romains. Même s'ils ont cherché à se distinguer de l'image que les Romains leur ont imposée, les manichéens ont subi une persécution de la part de l'Empire romain, en 302, à la veille de la Grande Persécution contre les chrétiens (à partir de 303). Et comme le manichéisme n'a pas cessé de se répandre malgré la persécution, il a subi un deuxième train de mesures discriminatoires.
Les chrétiens ont fait du manichéisme une hérésie du christianisme, à commencer par l' Histoire ecclésiastique de l'évêque Eusèbe de Césarée, écrite au début du IVe siècle : « En ce temps-là, le fou qui a donné son nom à l'hérésie démoniaque s'armait lui aussi de la perversion de la raison ; le démon, Satan lui-même, l'ennemi de Dieu, poussait cet homme pour la ruine d'un grand nombre. Il était dans sa vie un barbare par son langage et par ses moeurs ; par sa nature, il était démoniaque et insensé et ses entreprises étaient conformes à ces traits ; il s'efforçait de contrefaire le Christ, tantôt se prêchant lui-même comme le Paraclet ou l'Esprit Saint en personne et enflé par la folie ; tantôt comme le Christ, choisissant douze disciples pour participer à la nouvelle doctrine. A vrai dire, il cousait l'une à l'autre des doctrines mensongères et athées rassemblées de mille hérésies athées, éteintes depuis longtemps, et, du pays des Perses, il les répandait sur la terre habitée de nos jours comme un poison mortel » (Livre VII, 31).
Dans ce passage, Eusèbe de Césarée, qui écrit en grec, joue sur le nom de Mani, le fondateur de la religion manichéenne, pour le rapprocher du terme méprisant de « folie » (mania) . Ce qui choquait en Mani pouvait être sa langue barbare - en fait, l'araméen utilisé encore par certains chrétiens en Orient, au temps d'Eusèbe -, mais surtout ses moeurs. Mani prônait un genre de vie végétarien et frugal. Ce qui rebutait surtout un chrétien, qui plus est un évêque, c'était la prétention des manichéens à faire de Mani un prophète comme le Christ, incarnant le don de l'Esprit Saint annoncé par le Christ, dans l'évangile de Jean (14, 16 : « Le Père vous donnera un autre Paraclet qui restera avec vous pour toujours. »).
Entré dans le Bassin méditerranéen par la Palestine et l'Egypte, sans doute dès le milieu du IIIe siècle, le manichéisme est déjà suspect en Egypte auprès des autorités ecclésiastiques avant la fin du IIIe siècle. On possède, par un papyrus daté des années 280-300 (le papyrus Rylands grec 469), une lettre d'un évêque d'Alexandrie mettant en garde contre les efforts missionnaires de manichéens, et de manichéennes, qui cherchent à convertir en entrant dans les maisons. Toujours en Egypte et à la même période, on connaît aussi les efforts du philosophe platonicien Alexandre de Lycopole, pour réfuter le système des manichéens (Contre la doctrine de Mani) . Mais la réfutation la plus sévère du manichéisme proviendra finalement des décisions conciliaires de l'empereur chrétien Théodose à la fin du IVe siècle (381-383) qui visent à interdire certaines hérésies, y compris le manichéisme, sous prétexte que les manichéens se cachent dans les rangs des églises chrétiennes sous le couvert de sortes de moines ou d'ascètes. C'est à cette période qu'un manichéen, nommé Augustin, se convertit au christianisme, après avoir séjourné neuf ans dans l'église manichéenne, avant de devenir quelques années plus tard l'évêque que l'on connaît mieux sous le nom de saint Augustin.
L'histoire du manichéisme dans l'Empire romain ne se confond pas avec l'histoire du manichéisme, une religion née en quelques années au sein de mouvements baptistes judéo-chrétiens en Babylonie, et séparée de ceux-ci vers les années 240. Entouré de quelques disciples, Mani lance très tôt un programme missionnaire, vers l'Inde, puis le Nord de l'Iran, l'Ouest et l'Est. A sa mort en 277, plusieurs disciples ont fondé des communautés manichéennes qui savent exporter leurs doctrines et leurs pratiques rituelles. Vers la fin du IIIe siècle, on trouve des manichéens en Egypte ; au début du IVe, on sait qu'ils ont traduit leurs textes dans la langue copte de l'Egypte chrétienne - il nous en reste quelques milliers de pages de papyrus aujourd'hui. Au temps de saint Augustin, les manichéens parlent latin ou grec. Trois siècles plus tard, on en trouve en Chine devant expliquer leurs doctrines aux autorités impériales et montrant que le manichéisme peut s'exprimer avec les termes de la religion de Bouddha. Du VIIIe au XIe siècle, on rencontre le manichéisme sur les routes des steppes de l'Asie centrale ; il devient même la religion officielle des princes ouïgours. Les érudits arabes de cette période évoquent la présence de manichéens ici et là, et connaissent leurs livres. Marco Polo dans ses voyages à la fin du XIIIe siècle, en découvre encore au sud de la Chine (Zaitoun). Au début du XXe siècle, on prétend que la vénération de Mani est attestée dans certaines inscriptions de temples chinois, même si l'existence de l'Eglise manichéenne des origines n'est plus attestée historiquement depuis plusieurs siècles.
Cette expansion rapide du manichéisme est fondée sur une visée missionnaire particulière. Le manichéisme, né en milieu judéo-chrétien, en Iran, affirme que Mani est le successeur des grands prophètes de l'humanité, comme Zoroastre, Bouddha ou Jésus. Mani récapitule le don prophétique à l'oeuvre dans chacune des grandes religions depuis la création du monde. En ce sens, Mani est le dernier des prophètes, le « sceau des prophètes ».
Le système théologique du manichéisme est simple alors que le panthéon des figures divines est complexe.
A l'origine du monde, une opposition de deux royaumes, celui de la Lumière et celui de la Ténèbre donne lieu à une guerre primordiale. Il en ressort l'offrande en sacrifice d'un Homme primordial et toute une série de péripéties pour le sauvetage de cet Homme primordial ; il en résulte la mise en place d'une création de plusieurs mondes où les particules de lumière sont emprisonnées dans des corps de Ténèbre.
Par ses pratiques rituelles, le manichéisme vise à séparer la Lumière de la Ténèbre pour permettre à la fin des temps une victoire définitive du royaume de la Lumière sur celui de la Ténèbre. L'univers est comme une grande croix de lumière, dont la partie horizontale est faite de particules lumineuses enfermées dans la matière du monde, alors que le bras vertical de la croix rassemble les diverses particules de Lumière délivrées de leurs corps de Ténèbre, et s'élevant progressivement vers les lieux de la Lumière, et remontant vers les mondes célestes, à travers la lune et le soleil avant d'arriver dans la terre de Lumière.
Le filtrage de la lumière est opéré par une série d'actes rituels comme la pratique des commandements du manichéisme, prières, jeûnes, repas, où les catéchumènes (ou « auditeurs ») donnent en « aumônes » la nourriture aux élus (les membres de la hiérarchie de l'Eglise manichéenne). La participation des manichéens à la vie liturgique de leur Eglise a sans doute attiré plus d'un chrétien par le faste et la beauté de leurs cérémonies chantées.
Les manichéens ne dédaignaient pas non plus le débat public pour défendre leurs idées. Saint Augustin en a gardé quelques traces écrites. L'année liturgique des manichéens était tout orientée vers la fête du Bêma où l'on célébrait, comme à Pâque chez les chrétiens, la mort du fondateur ; on vénérait aussi son évangile et son portrait, tout en entrecoupant la cérémonie d'hymnes et de chants d'action de grâces. Parmi les nombreuses pages qui nous restent de la vénération des manichéens anciens, un hymne dédié à la mémoire de Jésus. A voir la proximité de la figure manichéenne de Jésus avec celle des chrétiens, on peut comprendre que certains chrétiens anciens aient pris le manichéisme pour une hérésie du christianisme.
* Jean-Daniel Dubois est directeur d'études à la Section des sciences religieuses de l'Ecole pratique des hautes études, Paris. Il édite des textes coptes, gnostiques et manichéens. Il dirige la revue internationale d'études sur les littératures apocryphes, Apocrypha , publiée aux éditions Brepols (Belgique).
A l'origine du monde, une opposition de deux royaumes, celui de la Lumière et celui de la Ténèbre donne lieu à une guerre primordiale. Il en ressort l'offrande en sacrifice d'un Homme primordial et toute une série de péripéties pour le sauvetage de cet Homme primordial ; il en résulte la mise en place d'une création de plusieurs mondes où les particules de lumière sont emprisonnées dans des corps de Ténèbre.
Par Jean-Daniel Dubois *
La langue française a intégré depuis longtemps le terme « manichéen ». Une « perspective manichéenne », par exemple, est qualifiée telle parce qu'on la trouve simpliste ou schématique ; l'emploi de l'adjectif « manichéen » est fréquent dans un contexte où l'on oppose une vision des choses à une autre, une position politique à une autre, une religion du bien à une religion du mal. Cet usage de la langue remonte à plusieurs siècles, à une période où l'adjectif « manichéen » servait à désigner n'importe quelle sorte d'hérétiques au Moyen Age : cathares et albigeois, et déjà, avant eux, bogomiles et pauliciens. Les églises chrétiennes ont souvent pratiqué la chasse à l'hérésie en agitant l'épouvantail du manichéisme. Mais la réalité historique derrière ce terme est tout autre.
Dans l'Antiquité déjà, le terme manichéen a servi à couvrir d'opprobre des hérétiques variés. Or, ce phénomène s'explique quand on revient aux deux premiers siècles de l'histoire de l'expansion de la religion manichéenne dans l'Empire romain. La religion manichéenne est née en Iran au IIIe siècle de notre ère et s'est répandue en Orient et en Occident dès cette période-là. En entrant en Occident par les marges orientales de l'Empire romain, les premiers manichéens ont été perçus comme des Perses, des espions, venus de l'Iran sassanide, l'ennemi de longue date des Romains. Même s'ils ont cherché à se distinguer de l'image que les Romains leur ont imposée, les manichéens ont subi une persécution de la part de l'Empire romain, en 302, à la veille de la Grande Persécution contre les chrétiens (à partir de 303). Et comme le manichéisme n'a pas cessé de se répandre malgré la persécution, il a subi un deuxième train de mesures discriminatoires.
Les chrétiens ont fait du manichéisme une hérésie du christianisme, à commencer par l' Histoire ecclésiastique de l'évêque Eusèbe de Césarée, écrite au début du IVe siècle : « En ce temps-là, le fou qui a donné son nom à l'hérésie démoniaque s'armait lui aussi de la perversion de la raison ; le démon, Satan lui-même, l'ennemi de Dieu, poussait cet homme pour la ruine d'un grand nombre. Il était dans sa vie un barbare par son langage et par ses moeurs ; par sa nature, il était démoniaque et insensé et ses entreprises étaient conformes à ces traits ; il s'efforçait de contrefaire le Christ, tantôt se prêchant lui-même comme le Paraclet ou l'Esprit Saint en personne et enflé par la folie ; tantôt comme le Christ, choisissant douze disciples pour participer à la nouvelle doctrine. A vrai dire, il cousait l'une à l'autre des doctrines mensongères et athées rassemblées de mille hérésies athées, éteintes depuis longtemps, et, du pays des Perses, il les répandait sur la terre habitée de nos jours comme un poison mortel » (Livre VII, 31).
Dans ce passage, Eusèbe de Césarée, qui écrit en grec, joue sur le nom de Mani, le fondateur de la religion manichéenne, pour le rapprocher du terme méprisant de « folie » (mania) . Ce qui choquait en Mani pouvait être sa langue barbare - en fait, l'araméen utilisé encore par certains chrétiens en Orient, au temps d'Eusèbe -, mais surtout ses moeurs. Mani prônait un genre de vie végétarien et frugal. Ce qui rebutait surtout un chrétien, qui plus est un évêque, c'était la prétention des manichéens à faire de Mani un prophète comme le Christ, incarnant le don de l'Esprit Saint annoncé par le Christ, dans l'évangile de Jean (14, 16 : « Le Père vous donnera un autre Paraclet qui restera avec vous pour toujours. »).
Entré dans le Bassin méditerranéen par la Palestine et l'Egypte, sans doute dès le milieu du IIIe siècle, le manichéisme est déjà suspect en Egypte auprès des autorités ecclésiastiques avant la fin du IIIe siècle. On possède, par un papyrus daté des années 280-300 (le papyrus Rylands grec 469), une lettre d'un évêque d'Alexandrie mettant en garde contre les efforts missionnaires de manichéens, et de manichéennes, qui cherchent à convertir en entrant dans les maisons. Toujours en Egypte et à la même période, on connaît aussi les efforts du philosophe platonicien Alexandre de Lycopole, pour réfuter le système des manichéens (Contre la doctrine de Mani) . Mais la réfutation la plus sévère du manichéisme proviendra finalement des décisions conciliaires de l'empereur chrétien Théodose à la fin du IVe siècle (381-383) qui visent à interdire certaines hérésies, y compris le manichéisme, sous prétexte que les manichéens se cachent dans les rangs des églises chrétiennes sous le couvert de sortes de moines ou d'ascètes. C'est à cette période qu'un manichéen, nommé Augustin, se convertit au christianisme, après avoir séjourné neuf ans dans l'église manichéenne, avant de devenir quelques années plus tard l'évêque que l'on connaît mieux sous le nom de saint Augustin.
L'histoire du manichéisme dans l'Empire romain ne se confond pas avec l'histoire du manichéisme, une religion née en quelques années au sein de mouvements baptistes judéo-chrétiens en Babylonie, et séparée de ceux-ci vers les années 240. Entouré de quelques disciples, Mani lance très tôt un programme missionnaire, vers l'Inde, puis le Nord de l'Iran, l'Ouest et l'Est. A sa mort en 277, plusieurs disciples ont fondé des communautés manichéennes qui savent exporter leurs doctrines et leurs pratiques rituelles. Vers la fin du IIIe siècle, on trouve des manichéens en Egypte ; au début du IVe, on sait qu'ils ont traduit leurs textes dans la langue copte de l'Egypte chrétienne - il nous en reste quelques milliers de pages de papyrus aujourd'hui. Au temps de saint Augustin, les manichéens parlent latin ou grec. Trois siècles plus tard, on en trouve en Chine devant expliquer leurs doctrines aux autorités impériales et montrant que le manichéisme peut s'exprimer avec les termes de la religion de Bouddha. Du VIIIe au XIe siècle, on rencontre le manichéisme sur les routes des steppes de l'Asie centrale ; il devient même la religion officielle des princes ouïgours. Les érudits arabes de cette période évoquent la présence de manichéens ici et là, et connaissent leurs livres. Marco Polo dans ses voyages à la fin du XIIIe siècle, en découvre encore au sud de la Chine (Zaitoun). Au début du XXe siècle, on prétend que la vénération de Mani est attestée dans certaines inscriptions de temples chinois, même si l'existence de l'Eglise manichéenne des origines n'est plus attestée historiquement depuis plusieurs siècles.
Cette expansion rapide du manichéisme est fondée sur une visée missionnaire particulière. Le manichéisme, né en milieu judéo-chrétien, en Iran, affirme que Mani est le successeur des grands prophètes de l'humanité, comme Zoroastre, Bouddha ou Jésus. Mani récapitule le don prophétique à l'oeuvre dans chacune des grandes religions depuis la création du monde. En ce sens, Mani est le dernier des prophètes, le « sceau des prophètes ».
Le système théologique du manichéisme est simple alors que le panthéon des figures divines est complexe.
A l'origine du monde, une opposition de deux royaumes, celui de la Lumière et celui de la Ténèbre donne lieu à une guerre primordiale. Il en ressort l'offrande en sacrifice d'un Homme primordial et toute une série de péripéties pour le sauvetage de cet Homme primordial ; il en résulte la mise en place d'une création de plusieurs mondes où les particules de lumière sont emprisonnées dans des corps de Ténèbre.
Par ses pratiques rituelles, le manichéisme vise à séparer la Lumière de la Ténèbre pour permettre à la fin des temps une victoire définitive du royaume de la Lumière sur celui de la Ténèbre. L'univers est comme une grande croix de lumière, dont la partie horizontale est faite de particules lumineuses enfermées dans la matière du monde, alors que le bras vertical de la croix rassemble les diverses particules de Lumière délivrées de leurs corps de Ténèbre, et s'élevant progressivement vers les lieux de la Lumière, et remontant vers les mondes célestes, à travers la lune et le soleil avant d'arriver dans la terre de Lumière.
Le filtrage de la lumière est opéré par une série d'actes rituels comme la pratique des commandements du manichéisme, prières, jeûnes, repas, où les catéchumènes (ou « auditeurs ») donnent en « aumônes » la nourriture aux élus (les membres de la hiérarchie de l'Eglise manichéenne). La participation des manichéens à la vie liturgique de leur Eglise a sans doute attiré plus d'un chrétien par le faste et la beauté de leurs cérémonies chantées.
Les manichéens ne dédaignaient pas non plus le débat public pour défendre leurs idées. Saint Augustin en a gardé quelques traces écrites. L'année liturgique des manichéens était tout orientée vers la fête du Bêma où l'on célébrait, comme à Pâque chez les chrétiens, la mort du fondateur ; on vénérait aussi son évangile et son portrait, tout en entrecoupant la cérémonie d'hymnes et de chants d'action de grâces. Parmi les nombreuses pages qui nous restent de la vénération des manichéens anciens, un hymne dédié à la mémoire de Jésus. A voir la proximité de la figure manichéenne de Jésus avec celle des chrétiens, on peut comprendre que certains chrétiens anciens aient pris le manichéisme pour une hérésie du christianisme.
* Jean-Daniel Dubois est directeur d'études à la Section des sciences religieuses de l'Ecole pratique des hautes études, Paris. Il édite des textes coptes, gnostiques et manichéens. Il dirige la revue internationale d'études sur les littératures apocryphes, Apocrypha , publiée aux éditions Brepols (Belgique).
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