Livre: "La Lumière sur le Royaume"

La Lumière sur le Royaume -
Pratique de la Magie sacrée au quotidien.

C'est un "best-seller" qui dépoussière complètement cette Science Sacrée qu'est la Magie. Il offre un cours solide et sérieux sur le cheminement de la Tradition occidentale depuis la nuit des temps jusqu'à nous, une leçon sur la Magie Egyptienne et des "lumières" jetées sur ce que représente l'Immensité du Christ.
Il divulgue, de plus, une pratique saine, sûre, efficace et tendant à véritablement changer — matériellement, psychologiquement et mentalement — la vie en orientant celle-ci définitivement vers l'Esprit Divin.
Cet ouvrage tend à faciliter, de manière probante et relativement rapide :
- l'ouverture à "une prière" efficace ;
- la pratique ardue des exercices de Méditation de quelque Ecole que ce soit et notamment ceux, inégalables, donnés dans les ouvrages de Franz Bardon.
La mise en œuvre quotidienne et régulière des Rites Purificateurs qu'il offre engendre, en effet, une transformation progressive de la structure physique, psychique et mentale de l'être ; chacun de nous peut alors, et s'il s'adonne à cette pratique simple mais prometteuse, aborder avec infiniment moins d'obstacles un contact avec les Mondes Spirituels (Prière) et, s'il le souhaite, les exercices d'une haute valeur spirituelle que livre Franz Bardon.
De plus, il expose une Magie multiséculaire, "la Magie du Feu" par de nombreux Rituels divinement orientés, c'est-à-dire construits et expliqués de telle sorte que cette pratique soit sans danger, sûre et efficace à la fois. Excepté le Rituel du Feu n° 1 destiné à faire émerger et à "comprendre" les encombrements karmiques qui sont causes des souffrances subies dans la vie, ces cérémonies ponctuelles créent un processus de résolution des problèmes matériels particuliers (solitude affective, pénurie, calomnie, procès en cours, etc.) ; elles sont donc un adjuvant aux difficultés de vivre que nous rencontrons ici-bas en raison de notre Karma tant collectif qu'individuel.
Il a pu sembler étonnant à certains lecteurs que les situations matérielles diverses aient été prises en compte dans un ouvrage de Magie Divine alors qu'ils s'étaient attendu à un exposé à but essentiellement spirituel.
Il convient d'éclaircir encore une fois la notion de "magie" : celle-ci est l'application des Lois Universelles sur quelque Plan que ce soit et notamment sur le Plan matériel lequel implique l'action du psychisme et du mental. Etant telle, la Magie ne peut être que "divine", sinon sa pratique ne suivrait pas ces Lois mais les détournerait. Par conséquent l'application des Lois Universelles dans le monde matériel est aussi évidente que l'usage d'un antibiotique pour enrayer un virus ou de l'anesthésie pour opérer un malade… à moins qu'on ne juge indigne et contraire à la Spiritualité ces utilisations et que l'on ne préfère laisser le contaminé mourir et l'opéré hurler de douleur…
A chaque époque, et selon le Karma de l'Humanité, la Divine Providence ouvre les portes de la Connaissance et permet aux êtres humains de capter quelques Lois de la Grande Nature et de les appliquer pour améliorer leur sort. C'est ce qui a donné les Sciences de la Matière (physique, chimie, médecine, progrès techniques et technologiques) prévalant de nos jours par la capacité de faire agir "la matière" sur "la matière" et "l'électromagnétisme matériel" sur la "matière". Mais l'épopée des découvertes n'est pas finie et nous sommes aux balbutiements de la Connaissance…. Viendra le temps où l'on découvrira, où l'on saura, que ce qui était appelé avec mépris "magie" est cette même Science mais qui applique "l'électromagnétisme immatériel" – ou tel qu'il se manifeste sur d'autres Plans, plus subtils que le nôtre – sur les Plans subtils (action spirituelle, mentale et psychique) et sur le Plan matériel.
Pourquoi, dans cet ordre d'idées, ne seraient pas divulgués, par miséricorde, des procédés, en accord avecles Lois Cosmiques, qui nous permettraient de moins souffrir ?
On rétorquera que le Karma ne veut pas ceci, bloque cela, et que la "souffrance rachète", etc. Mais Karma ne signifie pas "souffrance" ! Il est l'ensemble du processus "cause à effet", ce que nous avons commis et ce qui en résulte ; et même si, il faut l'avouer, ce résultat n'est généralement pas heureux, ce n'est pas la souffrance de l'individu qui fera cesser l'action terrible de Karma mais la compréhension qu'il captera de ses erreurs passées et de la nécessité de réajuster, de compenser. Cet éclairage subit, ce doigt intérieur qui montre avec fermeté et douceur à la fois les errances d'un vécu lointain, cette compréhension ténue qui pointe à la Conscience, sont provoqués par la pratique de la Magie Divine. A ce moment, la charge karmique est « réaménagée » et ce qui tendait à agonir l'individu de souffrance cesse d'agir sans ce sens car devenu inutile.
Ainsi conçu, cet ouvrage arrache la pratique de la Magie Sacrée du domaine où le rêve et la légende se confondent pour écarter le curieux de tout désir de s'y aventurer. Il montre qu'elle est la Science par excellence que la Tradition Esotérique gardait secrète sous le boisseau pour ne la délivrer qu'à une minorité fondée sur des critères variant avec les âges mais ayant toujours eu un caractère discriminateur.
Il donne, de plus, un aperçu du cheminement de la Connaissance de l'Univers et de l'Homme – c'est à dire de la Doctrine Hermétique – à travers les aléas de l'Histoire de notre planète et permet de mieux appréhender l'Organisation des Forces Universelles par ce qui est symboliquement représenté dans la Hermétisme de l'Égypte Ancienne et dans la Kabbale.
Ce livre veut enfin balayer la notion d'élite tant prônée dans ce domaine et montre comment la Magie peut être à la portée de tous, quels que soient la religion, le sexe, la race et le niveau social, dès que cette Science Sublime est expliquée simplement.

Maurice Zundel

Un théologien et
un mystique pour notre temps

Maurice Zundel est né en 1897, à Neuchâtel (Suisse). Son père était fonctionnaire des postes; sa mère travaillait à la maison. Sa ville, bourgeoise, un peu froide, très protestante à l'époque.

Le petit Maurice fréquente l'école, puis le collège de sa ville, où il est à peu près le seul catholique. Il a pour camarade de classe Jean Piaget, le célèbre psychologue. Très tôt, il prendra goût aux sciences et formera avec Piaget un club d'amis de la nature, où l'on réalisait des études fouillées sur les insectes, les mollusques ou les oiseaux. Cette passion de la science ne le quittera jamais; sa vie durant, il lut avec frénésie les ouvrages scientifiques les plus significatifs. Il alla jusqu'à lire dans le texte la théorie de la relativité d'Einstein. Il avait une grande admiration pour Jean Rostand, dont le désintéressement le fascinait. Pour Zundel, la science est plus que la science. Elle est recherche de la vérité sur l'univers et en même temps dialogue obscur, émerveillé ou lumineux avec la vérité du Créateur. Pour lui, le savant véritable est celui qui cherche à comprendre, qui sert la vérité et qui se réjouit de la lumière ineffable et gratuite qui se lève en lui, dès lors qu'il atteint à une vérité profonde, essentielle. Le savant est celui qui cherche à faire grandir l'homme dans une connaissance et une maîtrise plus responsables de l'univers.

À quatorze ans, il fut saisi par une expérience spirituelle profonde. Et qui devint décisive. Comme souvent, il était allé prier dans l'église Notre-Dame de Neuchâtel, un bâtiment néogothique fort sombre. Il se tenait devant la statue de l'Immaculée de Lourdes. Soudain, la présence de la Vierge le bouleversa jusqu'au plus intime et il reçut dès ce moment la vocation à la virginité, qui ne le quitta plus tant l'image de Marie s'était imprimée en lui. Marie devint pour lui le sacrement de l'amour maternel et virginal de Dieu, de cet amour plein de tendresse et qui jamais ne veut posséder. «Je l'appelle Virgo Virginans: O Vierge qui nous virginise! Virgo Virginans: c'est délicieux.» Zundel eut dès lors une approche toute particulière de l'amour virginal: c'est l'amour qui ne referme pas les bras, qui est toujours en état de don. Un peu comme l'eau chaste du Cantique du Soleil de saint François, l'eau qui s'écoule, sans jamais s'arrêter.

À la même époque, il fréquentait un camarade protestant, apprenti mécanicien. Ce dernier était pieux: il avait tapissé sa chambre de versets de saint Jean. Il était de condition très modeste. Ensemble, ils parlaient de la condition des pauvres, mais aussi de la béatitude de la pauvreté. Ils se mirent à lire Les Misérables de Victor Hugo et Zundel resta impressionné toute sa vie par l'accueil magnanime que Mgr Myriel fit à Jean Valjean. Dès lors, il voulut porter secours aux pauvres et surtout il voulut leur faire sentir leur dignité. Ce souci ne le quitta jamais. L'abbé Zundel donnait tout; les clochards de Lausanne le savaient et hantaient sa porte. Tout donner, c'était sa manière de montrer aux mendiants qu'ils étaient des «princes». Et si une comtesse -- il y en avait sur les bords du lac Léman -- lui donnait une enveloppe, il la donnait à son tour, sans prendre garde à la somme qu'elle contenait. Dès cette période, il est sensible aux problèmes de justice sociale. En 1921, il prend pratiquement seul parti publiquement en faveur du vote des femmes. Et à partir des années trente, il écrit sur le chômage, en proposant les solutions d'aujourd'hui. Il aborde les problèmes démographiques, etc. C'était alors peu commun dans le clergé.

De seize à dix-huit ans, il passa deux ans au collège de l'abbaye bénédictine d'Einsiedeln. Il fut saisi par la liturgie, à laquelle il consacrera plus tard son ouvrage le plus connu : Le Poème de la sainte liturgie. Mais surtout, il fut subjugué par le silence des moines. Le silence lui devint indispensable, car il est le seul chemin vers Dieu, vers la beauté, la vérité, l'amitié. Il dira: «Le silence est forme d'ouverture, de démission, de pauvreté. S'il est impossible de rencontrer la beauté et l'amour en dehors du silence, c'est que Dieu est silence, comme il est pauvreté.»

Il fit ensuite ses études de théologie au Grand Séminaire de Fribourg, où il eut pour condisciple le futur cardinal Journet. Ce fut pour lui une période difficile et sèche. Il n'y retrouvait pas le silence et la belle ordonnance liturgique des bénédictins. Mais surtout, il avait peine à supporter la scolastique qui lui semblait enfermer Dieu dans un système. Il avait peur qu'on en fasse un «grand souverain dominant le monde», alors que le seul Dieu dont il faille parler est le «Dieu du coeur de l'homme», selon l'expression de saint François de Sales. Toute sa vie, il voulut parler uniquement du Dieu de Jésus Christ, du Dieu trinitaire, du Dieu humble et pauvre, qui avait touché son coeur et transformé sa vie. Sa théologie est née de son expérience. Il le dit dans une formule suggestive: «Dieu n'est pas une invention, c'est une découverte.» Ou encore: «Dieu, c'est une expérience.»

C'est la force de l'approche zundélienne que de puiser au coeur de l'expérience. Car si l'expérience est profonde, elle va rejoindre le chemin de beaucoup, qui trouveront alors dans les écrits et la vie de Zundel une consonance avec ce qu'ils vivent.

Mais c'est aussi, évidemment, sa faiblesse. Car la pensée de Zundel peut demeurer étrangère -- voire énigmatique -- pour celui qui s'approche de Dieu ou de sa propre intériorité par des voies très différentes de la sienne. En ce sens, il n'est guère étonnant que l'abbé Zundel, dans son originalité, colorée par le personnalisme et la rencontre du Poverello, et le cardinal Journet, thomiste et systématicien, ne se soient guère compris.

En 1919, Maurice Zundel est ordonné prêtre à Fribourg. Il est envoyé comme vicaire à la paroisse Saint-Joseph, la plus grande de Genève. Très vite, son apostolat attire l'attention, car il ne fait rien comme tout le monde. Il se trouve incapable d'enseigner le catéchisme tel qu'il est; il préfère conduire les enfants à Dieu à travers l'émerveillement devant les grandes oeuvres d'art ou à travers la lumière des récentes découvertes scientifiques. Avec les jeunes gens et les jeunes filles, il parlait de problèmes socio-économiques, du mariage et même d'éducation sexuelle. Une de ses anciennes enfants du catéchisme me disait récemment: «Il avait un tel sens de la grandeur de l'homme qu'il voulait nous la communiquer. Parfois, nous ne comprenions rien ou nous étions déroutés, mais nous le suivions, car il nous respectait et il nous élevait.»

Mais l'originalité et le zèle ne sont pas toujours de mise. Un de ses confrères, que Zundel avait surpris sans le vouloir en fâcheuse posture morale, le dénonça calomnieusement pour ses audaces, etc. L'évêque d'alors, Mgr Besson, était très prudent. Il porta sur Zundel un jugement dont les conséquences devaient s'avérer graves: «C'est un franc-tireur, et l'Église n'aime pas beaucoup les francs-tireurs.»

L'évêque choisit d'éloigner cet «original». Alors commença une longue et douloureuse période d'exil, de 1925 à 1946. Zundel est d'abord envoyé à Rome, à l'Angelicum, pour y «refaire» sa théologie avec le P. Garrigou-Lagrange. Il y approfondira le thomisme. Il choisit la philosophie et sa thèse de doctorat s'intitulera: L'Influence du nominalisme sur la pensée chrétienne.

En 1927, l'évêque l'envoie à Paris. Zundel passe six mois comme troisième vicaire à Charenton. Seul, presque sans travail pastoral, il croit mourir de dessèchement. Mais, plus tard, il rendra grâces pour cette terrible expérience et il n'en gardera aucune amertume. «Car, dira-t-il en substance, c'est à ce moment-là que j'ai éprouvé jusque dans le creux de ma chair le silence, la pauvreté, la croix et que j'ai dû trouver mon propre chemin dans la pensée et l'action. Sans cette période de mort, je ne serais jamais allé si loin.»

Bientôt, il trouve un poste de second aumônier chez les bénédictines de la rue Monsieur. Il commence à respirer à nouveau. Il y noue de grandes amitiés avec l'abbé Montini, Charles Du Bos, Louis Massignon...

De ce temps-là date la rencontre de Zundel avec saint François d'Assise. Le Dieu pauvre devient à tout jamais vie en lui: «La présence de saint François d'Assise, je l'ai rencontrée à ce moment-là. Je ne pouvais pas imaginer l'influence qu'il devait avoir sur moi, qui concordait avec ce que la théologie m'avait apporté de meilleur [...]. L'incendie s'est allumé en moi; je percevais que la mystique trinitaire était l'expression d'une générosité, l'esprit pouvait aller plus loin. Saint François m'est apparu comme celui qui a eu la mission unique de chanter la pauvreté comme une personne et de voir en elle Dieu Lui-même. Ce que les théologiens disaient admirablement, sèchement, devenait vivant et le regroupement s'est fait de lui-même, la sagesse de Dieu s'identifiait avec la pauvreté.»

Dès lors, l'hymne à dame Pauvreté illuminera toute sa pensée et Zundel désignera le Poverello, non sans quelque humour, comme le plus grand «théologien» de tous les temps.

L'exil lui donna aussi la possibilité d'écrire. Et son premier ouvrage -- qui demeure le plus célèbre -- traite justement du silence et de la liturgie avec le lyrisme de la contemplation. Il s'agit du Poème de la sainte liturgie que Mgr Montini prit la peine de faire traduire en italien, dans le souvenir des belles heures de la rue Monsieur.

La vie errante continua. Zundel fut successivement aumônier chez les assomptionistes de Londres, aumônier de pensionnats de jeunes filles à La Tour-de-Peilz (Suisse) et à Neuilly. Il publia deux ouvrages d'une grande limpidité et d'une saveur spirituelle intacte: L'Évangile intérieur et Notre-Dame de la Sagesse.

En 1937, il peut enfin réaliser un de ses rêves les plus chers; il va passer une année à l'École biblique de Jérusalem. Il y étudie les langues et le texte bibliques avec une véritable frénésie, ne dormant souvent que moins de quatre heures par nuit. Il voulait de toutes ses forces comprendre qui était le Pauvre de Bethléem, de Nazareth et de la Croix.

J'aimerais noter ici qu'on a souvent reproché à Zundel son «mépris» de l'Ancien Testament. Car il en parlait souvent de façon critique. Il est clair qu'il n'ignorait pas la Loi et le Prophètes et qu'il savait en goûter la grandeur (son temps à Jérusalem l'atteste). Mais Zundel était si pénétré de la grandeur et de la merveille du Dieu trinitaire, il était si jaloux du Dieu d'Amour, que tous les passages de l'Ancienne Alliance où Dieu apparaît sous des traits de colère, de punition, d'interdit, lui paraissaient indignes de Dieu. Il y voyait simplement la patiente pédagogie divine, où le Tout Amour a dû parfois laisser qu'on le désigne d'une manière indigne de lui à cause de la faiblesse des hommes et de la lenteur de leur cheminement. Pour lui, il faut donc tout interpréter à partir de la nouveauté radicale apportée par la Révélation de Jésus-Christ.

De retour à Neuilly, en 1938, il publie un nouveau livre: Recherche de la personne. Ce livre sera retiré du commerce sur ordre de son évêque. Zundel y parlait de façon trop réaliste et audacieuse du mariage et de l'amour. C'était à l'époque inconvenant sous la plume d'un prêtre. Mais par ailleurs Zundel n'était pas moins exigeant que Paul VI dans sa manière d'entrevoir la morale conjugale, tout en n'enfermant personne dans des catégories culpabilisantes.

À la déclaration de guerre, en 1939, il retourne en Suisse et il est hébergé pendant quelque temps dans une chambrette du clocher de Bex (canton de Vaud). Comme il est toujours sans travail, il écoute les conseils de ses amis Louis Massignon et Mary Kahil. Il se rend au Caire, où il assumera jusqu'en 1946 toutes sortes de ministères. Il se sent utile -- enfin -- d'autant plus que beaucoup de prêtres ont dû quitter l'Égypte à ce moment-là.

Inévitablement, il rencontre l'islam. C'est un choc, où se mêlent l'admiration et l'effroi. Il admire la poésie et la grandeur du Coran; il goûte les mystiques musulmans, notamment Hallaj. Mais il est gêné par le poids sociologique de la religion, lui qui est si attentif à la liberté de la personne. Surtout, il vit comme un cauchemar le Dieu de l'islam, quelque belle que puisse être la litanie de ses quatre-vingt-dix-neuf noms. Dans ce Dieu solitaire, il craint de voir une sorte de «pharaon tout-puissant», de «despote inaccessible» devant lequel on ne peut que plier et qui est totalement incompréhensible pour la vie spirituelle d'un homme libre.

Il découvre alors avec une profondeur nouvelle le mystère trinitaire. «Dieu est unique, mais pas solitaire», «Dieu est Don», «Dieu est Amour», «Dieu est Partage», dans son être même. Dieu crée l'homme dans une structure d'Alliance; il crée l'homme libre. Dieu rachète l'homme dans une structure d'Alliance.

Dès lors, il ne cessera de clamer avec toute son énergie que la Révélation trinitaire constitue la clé de tout le mystère de l'homme et qu'elle représente le fondement de la libération de l'homme, qui, libre de soi et de tout, peut se jeter dans les bras d'un Dieu qui est Liberté. Il ne cessera de parler du mystère de la Trinité avec fougue, mais aussi avec précision, car il est probable, dit-il, que si Mahomet avait connu avec exactitude la révélation trinitaire, il n'aurait pas parlé ainsi du Dieu révélé en Jésus-Christ.

De ce passage au Caire, il gardera beaucoup d'amis, qu'il continuera de visiter jusqu'à sa mort.

En 1946, il revient en Suisse. Enfin, il reçoit à nouveau une affectation dans son diocèse: le poste assez vague d'auxiliaire à la paroisse du Sacré-Coeur-d'Ouchy à Lausanne. Il le gardera jusqu'à sa mort.

Pendant près de trente ans, il mène une vie de prédicateur itinérant, qui le conduit à Paris, à Londres, en Égypte, au Liban. Il donne d'innombrables retraites et récollections. Il fait de la direction spirituelle avec une disponibilité de chaque instant. Il vide ses poches pour les pauvres. Il écrit quelques livres: Dialogue avec la Vérité, Morale et Mystique, Je est un Autre, etc.

Sa parole est flamboyante. Elle est authentique, parce que parfaitement accordée à sa profonde vie spirituelle. Elle est riche et séduisante, appuyée sur une immense culture. Surtout, elle dit l'homme et elle dit Dieu, avec une transparente conviction. Quelques-uns y trouveront une ineffable nourriture. Trop peu nombreux... le succès ne fut pas son lot. Mais il existe des fécondités d'après la mort.

C'est dans cette vie humble, tragique parfois, qu'arriva l'appel de Paul VI à prêcher la retraite au Vatican en 1972. Sainte audace du pape. Le petit abbé, si souvent incompris, parla en grande simplicité devant l'auditoire le plus auguste que l'on puisse imaginer. À la fin de la retraite, le pape dans son homélie dira: «Nous venons de suivre [...] toutes ses méditations si spirituelles, si profondes, et en même temps si près de nous, si proches de notre expérience. [...] Mais plutôt que le ressort d'une dialectique ou d'une méditation discursive, il me semble que nous avons été invités à découvrir une méthode et à imprimer dans notre âme une attitude: celle de rechercher la profondeur des choses, de faire germer l'intériorité de ce que nous connaissons et vivons, à commencer par notre propre personne.»

Au début de 1975, il subit une embolie cérébrale qui le priva de la parole. Dernier dépouillement pour lui qui savait tant de langues. Une sourde angoisse l'étreignit devant sa vie qui se disloquait. Il écrivit: «Toi dont le silence est créateur, dans l'excès de mes maux, ne laisse pas s'éteindre mon esprit. Apaise mon angoisse par Ta présence de lumière.»

Il vit la Lumière éternelle le 10 août 1975. Beaucoup de ceux qui l'ont connu dirent qu'il était un saint.

source
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Tarot et néo-catharisme.

Tarot et néo-catharisme.

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Pèlerins du Jugement dernier : Cathédrale d’Autun

Les images des 22 sujets allégoriques du "Tarot" plongent leurs racines iconographiques dans la statuaire médiévale, notamment dans celle liée au pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle - qu’il s’agisse de la Cathédrale de Chartres,

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Le Diable : Chartres
Etrange détail Le Diable "danse" sur le dessus d’une Tour tout comme l’arcane XV du tarot de Marseille (Diable) précède immédiatement la Tour foudroyée (arcane XVI)

des abbayes de Souillac ou Moissac voire de la Basilique de St Sernin de Toulouse ou de la Cathédrale d’Autun...

Dans cette perspective, l’on aurait tort de négliger l’influence plausible des croyants néo-cathares sur les "rédacteurs" du "Tarot".

Le Visconti-Sforza

Parmi les tarots médiévaux, le jeu le plus complet qui ait été conservé en quasi-intégralité est le Piermont Morgan Bergamo, plus connu sous le nom de Visconti-Sforza. Le jeu fut offert au duc de Milan vers 1450.

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Papessa du Visconti-Sforza

Il y eut une papesse dans la famille Visconti : Sœur Manfreda Visconti di Pirovano, qui périt sur le bûcher de l’Inquisition (1300). Elle s’inscrivait dans la lignée idéologique de Joachim de Flore, dont les écrits encouragèrent les mouvements apocalyptiques fondamentaux, précurseurs et prérévolutionnaires du Moyen Âge.

Les prophètes de l’Esprit Saint. Les espérances du « millenium » et les Joachites.

Au début du XIVe siècle, Les prêcheurs itinérants cathares perpétuent la pratique du baptême de l’Esprit (Le sacrement du consolament par imposition des mains de Parfaits). Ils eurent une très grande importance à Florence et à Milan.

Pendant ce temps, l’apostolique Gérard Sigorelli de Parme subit le bûcher romain, tandis que les foules de Toscane et de Lombardie restent sous l’emprise de Fra Dolcino de Novare et sa compagne Marguerite. Ils assimilaient l’église romaine à la bête de l’Apocalypse et prophétisaient à la fois sa fin et la fin des temps - l’Esprit Saint instaurant un nouvel âge d’or.

Les thèses évangéliques de la communauté des frères, sœurs et tiers-ordre laïc des franciscains spirituels d’Occitanie s’inspiraient de Joachim de Flore. Ils furent durement réprimés par l’Inquisition.

Après, des apostoliques ardemment convaincus de l’approche du millenium de l’Esprit Saint prôné par l’abbé Joachim de Flore firent de la Lombardie leur lieu d’expansion. Eschatologiquement, cela aurait figuré l’arrivée du règne de l’Esprit Saint, qui eût ainsi mis fin au règne de l’église catholique romaine corrompue.

- « (Ces derniers) reprirent et amplifièrent la prophétie des trois âges de Joachim de Flore entre le XIIe et le XIVe siècle (et) furent à l’origine du mythe du nouvel empereur Frédéric dont l’avènement signifierait la destruction de l’église corrompue et le début de l’âge de l’Esprit. » - - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharisme

Le Tarot occidental serait-il une représentation prophétique des Joachites ?

Dans cette optique, il faudrait entrevoir les vingt-deux arcanes majeurs dans le sens des commentateurs des prophéties de Joachim de Flore.

Le Mat serait le juif errant, donc Adam expulsé de l’éden terrestre

- « Le premier de ces trois états du monde (qui correspondent aux trois âges de l’humanité liés successivement aux règnes des trois personnes divines unifiées dans le mystère de la trinité chrétienne : Père, Fils et Paraclet, annoncé par Jésus dans l’Évangile de saint Jean dispensateur du baptême de l’Esprit Saint) s’est déroulé sous le règne de la foi, alors que le peuple élu, encore faible et dans l’esclavage, n’était pas capable d’arriver à l’affranchissement ». « Le premier de ces états qui brille sous le signe de la loi (mosaïque) et de la circoncision (de la chair dans l’Ancien Testament par opposition à celle du cœur prôné par le nouveau pacte d’alliance signé dans le sang de l’Agneau christique) fut instauré par Adam. »

- « Car l’Ancien Testament du point de vue de la lettre semble bien appartenir au Père »

Le Monde serait le Christ en majesté, donc le Messie

- « (Le premier âge de l’humanité) se continua jusqu’à fut venu Celui qui a dit : "Si le Fils vous délivre, vous serez réellement libres." Le second de ces états fut instauré par l’Évangile et dure jusqu’à l’heure présente (1254 ?), apportant à la vérité affranchissement à l’égard du passé, mais nullement à l’égard de l’avenir. Car l’Apôtre a dit : "Nous connaissons en partie et nous prophétisons en partie, mais quand ce qui est parfait sera venu (l’Esprit Saint), ce qui est partiel disparaîtra ». (2e épître de saint Paul aux Corinthiens).

- « Le second de ces états qui brille sous le signe de l’Évangile fut instauré par Ozias. »

- « Et le Nouveau Testament semble bien appartenir au Fils. »

Le Jugement serait Esprit Saint, donc la Liberté

- « Mais l’entendement spirituel (de l’Ancien Testament du Père et du Nouveau Testament du Fils) relève du Saint Esprit » « or le Seigneur (la Trinité achevée) c’est le Saint Esprit et là où est l’Esprit, là est la Liberté. »

- « Le troisième état s’ouvrira vers la fin de ce siècle (1260 ?) où nous sommes. Déjà nous l’apercevons qui se dévoile, en plein affranchissement spirituel, lorsque le faux Évangile du fils de perdition sera annulé et détruit ainsi que son prophète ». (Beaucoup assimilèrent la bête de l’apocalypse à l’église romaine.)

- « Le troisième état... dont l’excellence ne sera comprise qu’à la fin des temps, lorsque Élie réapparaîtra, et que l’incrédule peuple juif reviendra à Dieu. Alors l’Esprit Saint surgira et clamera de sa grande voix : " Le Père et le Fils ont agi jusqu’à maintenant. Et maintenant, moi j’agis. »

Soleil - Lune - Étoiles

- « Et voici que ceux qui s’instruiront alors dans la justice (du Jugement de l’Esprit Saint) seront nombreux et voici qu’ils apparaîtront semblables à la splendeur du firmament (Soleil et Lune : les deux luminaires), voici qu’ils luiront comme des étoiles dans les perpétuelles éternités (Étoiles) ».
- - - Traduction : E. Aegerter

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Fortuna : Carmina Burana
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Rota de Fortuna : Visconti-Sforza

D’autres analyses étudient différemment la probable influence joachite sur les rédacteurs du Tarot. La plus brillante demeurant, à mon sens, celle de mon collègue et ami John Meador qui soutient au travers de la "Clef de David" (the Key of David) une présence qabbaliste provençale au travers des thèses franciscaines des Spirituels influencés par Joachim de Flore

Les autres arcanes majeurs représenteraient des personnages. En plus de la papesse joachite, les arcanes figurant le Pape (Serait-ce Boniface VIII ?) et l’Empereur (Est-ce Frédéric II, décédé en 1250, le dernier des Hohenstaufen ?) tout comme les lames du Chariot, de la Roue de Fortune, de la Force ainsi que de la Mort, du Diable et de la Maison Dieu, ces arcanes pourraient dépendre de la mystique prophétique joachite extrême.

D’autres analyses étudient différemment la probable influence joachite sur les rédacteurs du Tarot. La plus brillante demeurant, à mon sens, celle de mon collègue et ami John Meador qui soutient au travers de la "Clef de David" (the Key of David) une présence qabbaliste provençale au travers des thèses franciscaines des Spirituels influencés par Joachim de Flore.

Frédéric II, le parti des gibelins et des Cathares

Frédéric II occupa sa cour à Palerme. Pressentant le caractère d’ouverture de la prochaine Renaissance italienne, c’est en 1224 qu’il fonde l’université de Naples ; ouvert aux arts occultes, il encourage l’échange entre judaïsme, christianisme et islam. Il dirigera l’Italie et l’Allemagne, mais en 1245, le pape le déposera et l’excommuniera.

Les cités autonomes italiennes sont d’ordinaire souvent de sujétion agnostique (patarine) et anti-papiste, c’est-à-dire pour l’empereur Frédéric et contre le pape (gibelins).

L’église cathare fut donc protégée des contraintes et pressions de l’Inquisition papale par les habitants des villes.

« Tant que la stature de Frédéric II domina, les cathares des cités n’eurent guère plus à craindre de l’église catholique que l’antipathie de ses grands clercs et les médisances de leurs traités. »
- - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharisme

Le soutien politique du parti des gibelins, ainsi que de la tradition urbaine du patarisme, avantagèrent le catharisme italien.

Anne Brenon, dans Le vrai visage du catharisme cita :
- « La seule force politique capable de soutenir (l’église cathare) était à l’évidence la caste de l’oligarchie urbaine qui soutenait le parti de l’empereur pour défendre ses libertés et ses droits : celle des gibelins. De fait, les gibelins eux-mêmes se montrèrent toujours soucieux de s’assurer le concours financier ou même militaire des croyants ou d’hérétiques, et protégèrent régulièrement les hérétiques eux-mêmes contre les tentatives de l’Inquisition... Ainsi faut-il attribuer à des convictions patarines ou à des opinions gibelines, ou plus sûrement à un mélange des deux, les soulèvements des cités italiennes, fières et jalouses de leur indépendance, grandes familles en tête, comme à Florence en 1245 (face aux excès des inquisiteurs dominicains).

Lorsque, dans le second versant du siècle - fin XIIIe - le parti des guelfes, avec l’intervention de Charles d’Anjou, prit le pas sur la résis­tance gibeline, aristocratique et citadine, l’Inquisition devint systématique. »

La Lombardie se transforma alors en un pays de persécutions comme tout comme ce fût le cas en Languedoc.

« Quant au catharisme bogomile originaire de Bulgarie, il s’établit à Byzance courant du Xe siècle d’où il irradie vers l’occident. Traversant l’Italie il arrive en France au début du XIIe siècle (...) Le catharisme bogomile se maintiendra en Italie du Nord jusqu’au XVe siècle et fera une brève incursion au Midi au XIVe siècle, après la destruction des Albigeois au XIIIe siècle. »

Les catharismes italien et occitan étaient en aval du catharisme bogomile. Certains érudits, comme Anne Brenon, pensent à un événement qui aurait touché en même temps la Champagne, l’Aquitaine, l’Empire byzantin, l’Occitanie et l’Italie du Nord. Cela eut lieu autour de l’an Mil, en 970 pour les Bogomiles et en 1015 pour les premiers bûchers de Toulouse.

À Byzance et en Bulgarie, vers l’an 970, le pope Bogomil (ami de Dieu) prêcha une doctrine manichéenne qui se verra être la base du catharisme. Les Bogomiles se révoltent en 1084 en Thrace. Le chef des Bogomiles, Basile, finît sur le bûcher à Constantinople en 1118, alors que les croyants hétérodoxes éminents de Byzance sont condamnés à la prison à vie.

En Bulgarie et en Macédoine, le bogomilisme s’organise en églises, ceci en 1025. Les prêcheurs bogomiles sillonnent dorénavant tout l’Empire byzantin. Le catharisme oriental s’impose sur le christianisme orthodoxe en Asie Mineure ; il s’ancre fermement à Constantinople.

Au XIIe siècle, « le dignitaire cathare d’Orient, Nicétas, lors de sa mission en Occident, cite en 1167 à Saint-Félix-Lauragais cinq églises organisées entre l’Asie Mineure et l’actuelle Yougoslavie ».
- - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharisme

Des écrits datant de peu après l’an Mil prouvent l’existence des cathares en Occitanie et en Italie. On signala des prêcheurs hérétiques cathares en Occitanie et en Aquitaine. Certains seront brûlés à Toulouse, entre 1015 et 1025. À Orléans, en 1022, dix chanoines du haut clergé sont exécutés sur le bûcher pour hérésie dualiste.

À Milan, vers 1030, la comtesse du château de Monteforte, qui protégeait un groupe d’hérétiques, sera brûlée avec les membres de ce dernier. La fédération des églises occitanes date de 1167, suite au congrès de Saint-Félix-Lauragais. Mais l’origine du catharisme est plus ancienne. Toujours en 1167, le pope Nicétas de Constantinople, fait une visite officielle pour les églises d’Asie en Italie. L’évêque cathare de Lombardie, Marc, collabora avec lui au niveau des églises occitanes.

- « La doctrine cathare se rédige après 1167, date du concile cathare de Saint Félix de Lauragais auquel participe l’évêque byzantin Nicétas : elle est ce que l’on appelle la "revitalisation d’une ancienne hérésie, l’origénisme des Pères du désert de Nitrie au IVe siècle" ».

- « Le catharisme des Albigeois du Midi (de 1167 jusqu’à la chute de Montségur en 1244) est un mélange d’origénisme avec un peu de manichéisme, opéré sans doute dans les milieux intellectuels byzantins (...)

Les documents (...) sur la doctrine des cathares radicaux proviennent du catharisme italien imprégné de l’Origénisme tel qu’il fut professé par des ascètes et des intellectuels, surtout dans le désert égyptien. »
- - - Ioan Couliano et Mircea Éliade. Dictionnaire des religions

Plus tard, après la chute de Montségur, ce sera surtout en Lombardie que prendra refuge ce qui subsistera des églises cathares, ainsi que dans le reste de l’Italie du Nord. Le trésor de l’église de Montségur a contribué à la survie de cette église en exil, qui avait pour rôle de former et dépêcher vers l’Occitanie des clandestins, jusqu’au début du XIVe siècle.

- « La mention des départs pour la Lombardie se retrouve dans pratiquement toutes les dépositions devant l’Inquisition de la fin du XIIIe siècle : le phénomène fut massif, les voyages sont collectifs, accompagnés de transferts de fonds. »
- - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharisme

L’évêque cathare de l’Albigeois, Aimery du Collet, s’exile en Lombardie, peu avant 1250. Il incita un mouvement qui sera suivi par de hautes autorités dualistes, face aux progrès de l’Inquisition.

- « L’église de Toulousain était en exil : depuis le début des années 1250, l’évêque Vivent, qui avait succédé à Arnaud Roger, résidait en Lombardie avec son fils majeur, Guillaume del Pech, et le diacre de Toulouse, Raimon Mercier ; on les signala à Plaisance, à Crémone. Le dernier évêque de Toulousain connu, Bernard Olieu, fut attesté à Sirmione puis à Gênes jusqu’en 1278, tandis que son fils majeur, Philippe Cathala, exerçait à Pavie. »
- - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharisme

La noblesse lombarde

Henri de Welfen - d’où « guelfes » - duc de Bavière et de Saxonie, fort de l’appui du pape, disputait la couronne impériale à Conrad III de Hohenstaufen seigneur de Waibligen, empereur germanique en 1138. Le mot « gibelin » signifiait partisan de Conrad III.

Pendant que les gibelins et les patarins soutenaient le catharisme italien, les parfaits et croyants dualistes n’eurent que peu d’inquiétudes, car l’empereur et le pape "s’immobilisent" l’un l’autre.

Entre 1266 et 1268, après l’intervention du frère de saint Louis, Charles d’Anjou, le parti guelfe acquiert la supériorité sur les gibelins. L’Inquisition s’impose alors. En 1278, après les arrestations de Sirmione, un bûcher s’allume à Vérone, comme celui qui avait exterminé les parfaits de Montségur. Cependant, dans les lieux que les gibelins continuent à contrôler, comme à Pisé, les Cathares ne sont pas pourchassés.

Pourtant, le pouvoir du pape se développe et la fin du XIIIe siècle sonne le glas pour les églises cathares italiennes. Le catharisme persista malgré cela jusqu’au XVe siècle en Italie du Nord, bien qu’il atrophia la pureté doctrinale de ses débuts. Il se mêlera aux autres courants hétérodoxes.

Les cours italiennes et les Tarots

Une hypothèse existe selon laquelle les vingt-deux majeurs aient été un récit symbolique du catharisme oriental, destiné à la constitution des nobles de Lombardie. Elle provient du fait que l’ensemble des tarots médiévaux occidentaux est historiquement issu des cours italiennes lombardes, qui sont elles-mêmes voisines du dualisme mélangé byzantin.

- « Les Tarots purent (...) être (...) l’exposition symbolique de l’hérésie dualiste qui, reflet manichéen, envahit les cours des nobles aux XIVe et XVe siècles... Les arcanes majeurs se prêtent en effet facilement à rappeler ce dualisme ; mais cette signification aurait disparu à la suite de la rigueur de l’Inquisition, et les Tarots n’auraient survécu que parce qu’ils n’étaient plus que des séquences de cartes à jouer. »
- - - Gabriele Mendele, I tarrochi di Visconti

À propos de cette exposition symbolique, il ne s’agit pas du livre cathare lui-même, dont chaque prédicateur détenait une copie. À juste titre, les parfaits étaient redoutés pour leur science des écritures saintes qu’ils commentaient selon une interprétation dualiste.

La bibliothèque municipale de Lyon possède une copie unique de cette bible cathare, nommée Nouveau Testament de Lyon (manuscrit écrit PA 36) accompagnée du Rituel Occitan incluant les 4 évangiles, les Épîtres canoniques et les Actes des Apôtres ; elle aurait été imprimée vers la moitié du XIIIe siècle, soit dans le territoire du comté de Foix ou peut-être dans le vicomté de Carcassonne. Les imagiers du tarot l’auraient destiné aux garatenses, partisans aristocratiques milanais d’un dualisme mitigé. Ainsi une étude bibliographique publiée par mon confrère Ross Sinclair Caldwell des bibliothèques personnelles des familles Visconti ou d’Este montre-t-elle que ces dernières furent profondément influencées par les courants ésotériques et "magiques" de l’époque...

Les atouts du tarot auraient ainsi été esquissés dans le but d’édifier l’aristocratie lombarde, très proche des cours occitanes dans ses préoccupations et ses préférences morales ou passionnelles. Comme le dit Anne Brenon, les cours italiennes étaient « partagées harmonieusement entre une religiosité spirituelle et des aspirations amoureuses mêlant déjà Fin Amors au Dolce Stil Nuovo. »

Les Cathares et le jugement dernier

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La Force : Chartres

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Tempérance : Chartres

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La Justice : Autun

- Les Cathares utilisèrent les routes des pèlerinages notamment celui de Saint-Jacques-de-Compostelle pour diffuser l’hérésie chrétienne et se soustraire à la vigilance de l’Inquisition catholique romaine.

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La Tour Foudroyée et La Fuite en Egypte : Moissac

Les Cathares croyaient à la Roue de la Réincarnation

Mais contrairement aux affirmations de leurs adversaires, ils croyaient aussi au Dernier Jugement.

Ainsi dans l’arcanum des Cathares "Interrogatio Johannis" est-il écrit textuellement :

- « Et Jean interrogea le Seigneur sur le jour du Jugement :

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Le jugement

Et le Seigneur ordonnera à son ange de sonner de la trompette. La voix de l’Archange dans la trompette sera entendue depuis le ciel jusqu’aux enfers... et alors le Soleil s’obscurcira et la Lune ne donnera plus de lumière : les étoiles tomberont ...

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Alors apparaîtra le Signe du Fils de l’Homme et avec lui les Saints Anges et Il placera son siège sur les nuées et Il siégera sur le Trône de Sa Majesté avec les 12 Apôtres assis sur les 12 sièges de sa Gloire.

Et les livres seront ouverts et Il jugera tout l’univers selon la foi qu’Il a prêchée...

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Le fils de l’homme retirera les Élus du milieu des non-croyants et Il leur dira : Venez vous qui êtes les bénis de mon Père ; possédez le royaume qui a été préparé pour vous depuis l’organisation du monde.

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Pèlerins du Jugement dernier : Cathédrale d’Autun

[Lors de la Séparation Ultime] les âmes (spiritus) sortiront de la prison [des corps : tuniques corporelles] et aussi ma voix sera entendue et il n’y aura plus qu’un seul bercail et un seul pasteur."

- "C’est là le "secret" (arcanum) des hérétiques de Concorrezo apporté de Bulgarie à Nazaire, leur évêque..." commente l’Inquisiteur de Carcassonne. »

Le Syncrétisme spirituel du XIVe siècle

Un mélange des différents courants hérétiques dans un syncrétisme original eut lieu au XIVe siècle. Le catharisme originel absolutiste des dualistes ne s’amalgamera pas aux courants dissidents liés à Joachim de Flore.

En effet, les Parfaits sont iconoclastres et non iconolâtres : ils répugnent à l’usage des images dans un but spirituel.

Mais les croyants cathares, eux, n’eurent pas le même "purisme".

Ce sont ces mileux des croyants cathares qui purent influencer les rédacteurs des Trionfi.

En effet, il y eut un la fin du XIVe siècle et au commencement du XVe siècle de singulières miscellanées idéologiques issues des différentes convictions hérétiques.

- « À la fin du XIVe siècle, à Chieri (...), Giacomo Bech déposait, devant l’Inquisition, avoir été successivement apostolique, cathare au point d’aller chercher un enseignement en Bosnie, puis vaudois. »
- - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharisme

- « Le catharisme (du XIVe siècle) participa sans aucun doute au dernier brassage qui mêla vieilles et jeunes pulsions religieuses dissidentes de la fin du Moyen Âge, en un front commun de défense devant l’Inquisition, et en un syncrétisme populaire indéniable, particulièrement en Italie du Nord. »
- - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharisme

Les différents courants spirituels

Vaudès de Lyon ouvrit le courant vaudois, en 1173. Ce courant était moins opprimé de façon systématique que le catharisme. Il se répandit malgré l’Inquisition depuis la vallée du Rhône jusqu’en Bohême et en Pologne via l’Italie du Nord.

Les Lollards, adeptes de l’anglais Jean Wycliff (1384) ou les Hussites, adeptes de Jean Hus, recteur de l’université de Prague, brûlé vif en 1415 à Constance, se placeront dans la mouvance réformiste radicale.

La mort de Hus provoquera une rébellion populaire meurtrière violente, face aux autorités catholiques et à l’occupation allemande de la Bohême. La croisade papale de 1420 se conclura en 1424 par la mort de Zirka, chef hussite.

En 1532, irrémédiablement, les mouvements vaudois et hussite incorporeront la réforme protestante au synode de Chanforan.

Thomas Münzer (1489-1525) présenta une face plus marginale, rebelle et parfois libertine du protestantisme radical. Il fut à la souche du courant anabaptiste dans lequel se joignirent paysannat et chevalerie locale.

Luther désapprouvera les anabaptistes et en 1525, ils furent impitoyablement écrasés par la Ligue des princes réformés. Plus tard, les courants marxistes et libertaires reprendront certaines de leurs idées.

Avant ces faits spécifiques au XVIe siècle, les Vaudois et les Hussites en profitèrent pour se fédérer durant la seconde moitié du XVe siècle. Suite à leur défaite militaire de 1424, le mouvement valdo-hussite s’organise idéologiquement et l’on trouve confirmation dès 1468 de liens serrés entre les églises hussites des frères de Bohême et les communautés vaudoises de Bohême et du Brandebourg.

En 1470, les églises vaudoises du Piémont auront des relations officielles avec ces derniers. Les églises vaudoises du Piémont avaient établi un abri du syncrétisme religieux en mélangeant cathares emplis de catharisme bosniaque, apostoliques, joachites et spirituels.

En parlant des années 1400, Anne Brenon, dans Le vrai visage du catharisme, cita :
- « les habitants patarins de Chieri allaient chercher l’enseignement et le consolament en Bosnie où le christianisme dualiste fut religion officielle jusqu’à la fin du XVe siècle grâce à l’adhésion des notables : grandes familles féodales proches du pouvoir, ou commerçants tournés vers Raguse. Les rois de Bosnie eux-mêmes le favorisaient ».

En 1360, il y eut la croisade contre les cathares de Bosnie. Les souverains bosniaques se convertirent, face à la menace ottomane. Les Catholiques persécutèrent alors une dernière fois les cathares.

Au XVe siècle, l’islam ottoman, plus tolérant que le catholicisme romain, absorba les catharismes de Serbie, de Bosnie et de Bulgarie.

Historiquement, on peut évoquer que les vingt-deux majeurs formuleraient sous une apparence symbolique le syncrétisme italien et que les tarots proviennent de Lombardie, des cours italiennes proches du dualisme mitigé byzantin.

On peut avancer que la symbolique des arcanes majeurs prend ses sources de ces différentes idéologies et découle de ce syncrétisme spirituel.

Les représentations théâtrales de rue et les "trionfi" de Pétrarque

Les lames contiendront dans leur iconographie les croyances, les désirs et les espoirs partagés de nombreux membres des cours lombardes gibelines. On attribue ordinairement à Bonifacio Bembo la composition des cartes Visconti-Sforza, mais on mentionne également les noms des Zavattari ou d’Antonio Bembo. Ces cartes seront peintes entre 1441 et 1447.

Les spectacles théâtraux de rue du XVe siècle, les Trionfi populaires, s’inspirent des arcanes. Ils récupéreront la tradition des processions religieuses ou des cortèges précédant les joutes moyenâgeuses de cavaliers ; ces carnavals et ces cortèges fleuriront durant la Renaissance italienne. On y verra en procession pages, cavaliers, dames et rois. Il y aura, dans le duché milanais, un cortège rangé de chars triomphaux.

- « Il y avait ensuite des représentations publiques, empruntées aux Trionfi littéraires, sur la base du très célèbre texte de Pétrarque, au cours desquelles se succédaient le Triomphe d’Amour (L’Amoureux), le Triomphe de la Chasteté (Tempérance), le Triomphe de la Mort (carte XIII), celui de la Fortune (X ou XXI), du Temps (l’Hermite) et de l’Éternité (le Jugement). Le Char triomphal apparaît également sur la carte (du Chariot). Le roi Carnaval présidait les Triomphes récités les jours de fêtes. Il est représenté dans la carte I. »
- - - Gabriele Mendele, I tarrochi di Visconti

De tous les tarologues actuels, Andréa Vitali, spécialiste italien de l’iconographie historique du Tarot, est probablement le médiéviste le plus pertinent.

Il explique que les abstractions mystiques et éthiques du tarot rappelleraient de manière pédagogique les cinq triomphes de Pétrarque « décrivant les forces fondamentales qui... gouvernaient l’humanité en fonction d’une hiérarchie bien établie ». Selon lui, les vingt-deux arcanes majeurs seraient organisés selon une logique ascendante touchant les vues aristotéliciennes du cosmos :

- « ...la Première Maison, à savoir Dieu, existe dans toute sa complétude, loin des êtres humains qui ne peuvent comprendre sa volonté qu’au travers des intermédiaires comme en témoigne la composition de ce qu’on a appelé le Tarot de Mantegna. Le jeu, composé à la même époque que le Tarot Visconti-Sforza, illustre les différentes conditions humaines, les Vertus, les Arts libéraux, les Muses et les Sphères célestes, en indiquant à l’homme la route à prendre pour arriver à la Première Maison, autrement dit à Dieu. »
- - - Andréa Vitali, Le Visconti-Sforza

Selon ce point de vue, l’homme serait le Bateleur. Il est orienté par ses seigneurs terrestres, l’Impératrice et l’Empereur, ainsi que par ses maîtres spirituels : la Papesse et le Pape. Il devra dépasser ses désirs par l’Amoureux, par l’acte du mérite de Tempérance. Il agira de même avec la notion de pouvoir, imagée par le Chariot, ainsi que le contrôle de la Force. La Roue de Fortune exprimera à ce moment la conscience du caractère éphémère de toute ambition humaine.

- « (...) L’Hermite représente le Temps auquel tout individu doit se soumettre, alors que le Pendu symbolise l’impuissance humaine face à la Mort.

L’Au-delà est représenté selon la conception médiévale typique : l’Enfer et, par suite, le Diable, se trouve au centre de la Terre au-dessus de laquelle s’étendent les Sphères Célestes ».

- « Tout comme dans le cosmos aristotélicien, la sphère terrestre est entourée de "feux célestes" représentés par des Sagitte (éclairs) qui s’abattent sur une Tour (La Tour foudroyée). »

L’Étoile, la Lune et le Soleil représentent les astres se situant juste avant le paradis et l’éternité, la plus haute sphère « l’Empyrée, où vivent les Anges qui, le jour du Jugement Universel, seront appelés à réveiller les morts dans leurs tombes. Ce jour-là, la Justice divine triomphera en pesant les âmes et en divisant les bons et les méchants ».

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Le Monde et Le Christ en majesté : St Sernin Toulouse

Ainsi, on donnera aux justes la Jérusalem céleste évoquée par le Christ en majesté, le Monde, aux autres on offrira le Mat, l’errance loin du royaume du Père.

La Renaissance italienne et le néosyncrétisme platonicien

Si l’on observe le Tarot du point de vue à la fois historique, sociologique, spirituel et iconographique, on remarque une liaison existant avec le courant philosophique du syncrétisme de la Renaissance florentine. Une idée s’élabora alors, selon laquelle la révélation platonicienne engendrerait seule la vérité irrévocable :

- « Révélation primordiale de Dieu aux premiers hommes qui peuplent la Terre, révélation dont on retrouve trace dans toutes les anciennes religions et qui est interprétable en termes platoniciens. »

Cela signifie que pour Marsile Ficin, tout comme pour Pic de la Mirandole :

- « Hermès Trismégiste, Zoroastre, Moïse et Orphée étaient au même titre dépositaires d’uneseule véritéocculte...Cette vérité s’exprime dans la magie néo­platonicienne et arabe ainsi que dans la kabbale juive. »

Les philosophes byzantins chassés de Constantinople seront la source d’une nouvelle richesse pourle syncrétisme platonicien. Ceci arriva peu avant que les Turcs ottomans conduits par Mehmet II le Conquérant ne conquissent Constantinople en 1463.

À partir de 1438, le congrès de Ferrare et de Florence constate des échanges plus importants entre les intellectuels latins et byzantins.

- « Les contacts entre Grecs et Latins s’accentuent (...) Bon nombre de savants et de lettrés byzantins émigrent vers l’Occident dès le début du XVe siècle et avant tout vers l’Italie où le congrès de Florence fut un exceptionnel point de rencontre. »

- (Ces derniers) « transportèrent avec eux bon nombre de manuscrits dans lesquels une majorité d’œuvres antiques...les apports permirent de partir à la redécouverte des textes grecs de l’Antiquité ».
- Alain Ducellier, Les Byzantins

Parmi ces byzantins, le cofondateur de l’université de Constantinople, Jean Argyropoulos, arrive en Italie en 1434 pour enseigner à Florence.

Non moins illustre, Gémiste Plethon y demeure en 1440. Ses thèses, voisines du platonisme absolu, stimuleront l’humaniste et fondateur de l’Académie platonicienne, Marsile Ficin. La période, dorénavant, encourage le syncrétisme néoplatonicien spécifique à la Renaissance italienne.

L’effort d’une synthèse religieuse fut enfin réalisé, imprégnée comme le dit Georges Bataille, dans la Théorie de la religion, par « le souci de faire la somme de ce qu’ont révélé des possibilités religieuses séparées et de faire du contenu qui leur est commun le principe d’une vie humaine élevée à l’universalité ».

Pour les lecteurs souhaitant approfondir le sujet du catharisme et le Tarot, il existe une synthèse, Une étude intéressante de Bob O’Neill sur les influences possibles entre le catharisme et le Tarot, à l’adresse Internet suivante : http://www.tarot.com/about-tarot/library/boneill/index

Alain Bougearel Copyright : CDRom "L’art du Tarot" : Recherches historiques atypiques Editions Alsyd.

Alain Bougearel Alain Bougearel
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