A la redécouverte du Féminin

A la redécouverte du Féminin
dans les grands mythes du monde

Entretien avec Françoise Gange par Laure Poinsot

Philosophe, diplômée en sciences sociales, Françoise Gange se consacre à l’exploration des mythes depuis 15 ans. Auteur de " Les Dieux Menteurs, notre mémoire ensevelie : l’humanité au temps de la Déesse " (Editions Indigo, 1998), elle vient de publier à La Renaissance du Livre " Jésus et les femmes ". Elle est également l’auteur de plusieurs romans chez Denoël, " Amina " et chez Flammarion, " La ville plus basse que la mer ", " Le goût du rhum blanc ".

Je vous avais rencontrée au moment où vous veniez de publier " Les Dieux Menteurs ". J’avais été impressionnée par votre démarche qui consiste à rechercher le féminin dans les premiers mythes écrits, à savoir ceux de Sumer. Vous y expliquiez la façon dont le féminin avait progressivement été écarté dans ces mythes et dans la religion de Sumer.
Je venais en effet de terminer " Les Dieux Menteurs ", qui est une étude sur les mythes de Sumer, et où l’on s’aperçoit qu’il y a toute une mémoire qui a été occultée par l’ordre patriarcal, lequel se met en place vers - 3000 dans cette région de Mésopotamie qui correspond à l’Iraq contemporain. On assiste, en effet, à cette époque à l’apparition de Dieux Guerriers à Sumer, qui jusque-là, avait un panthéon féminin avec une Déesse Mère. Les premiers Dieux Guerriers sont à l’origine les fils de la Déesse. Au fur à mesure que les Dieux mâles vont monter, la Déesse va descendre. De fils de la Déesse, ils vont devenir les frères puis les pères, tandis qu’elle-même va devenir la fille. On s’aperçoit donc que cette culture du Divin féminin a été ensevelie, à Sumer, à la fin de l’âge du bronze.

Quel était ce Divin Féminin de Sumer ?
On est obligé de les voir en négatif car les mythes de Sumer, les premiers écrits que l’on connaisse au monde, sont stratifiés. Ce qui a été lu jusqu’à présent est la dernière strate, la strate la plus apparente. Elle fait l’éloge de héros mâles, magnifiques, invincibles, dont Gilgamesh est l’une des grandes figures. Ces héros viennent s’installer sur un monde qui meurt mais on sait pas exactement lequel. Et dans ces premiers mythes écrits, on aperçoit une contradiction logique flagrante. Ces mêmes héros, dont on fait l’apologie, on les qualifie à d’autres moments de violeurs, de pillards. Il est dit qu’ils ont détruit les temples, violé les femmes du temple, les hiérodules. Cette faille logique n’a pas été aperçue jusqu’à présent. Il existe ainsi deux strates idéologiques dans les mythes de Sumer et la deuxième strate est tout simplement venue recouvrir la première. On est donc obligé de voir la première strate en négatif, en creux. Mais de cette culture antérieure de la Mère, on a heureusement, non seulement des écrits, mais également tout ce qui est artefacts, objets, que l’on a retrouvés dans les sites archéologiques de Sumer. On s’aperçoit que les grands symboles, qui racontent l’histoire de la Mère, sont les mêmes qui ont été repris plus tard par le patriarcat, notamment par le patriarcat yahvique ou juif, tels que l’arbre de vie, la pomme, le fruit défendu, le serpent, la montagne etc… tous étaient auparavant des symboles du Féminin Divin.

Ce principe féminin a-il toujours été premier, quelles que soient les cultures ?
Quand on va en Crète, dans les temples à Cnossos mais surtout à Phaistos, on retrouve des fosses en pierre qui servaient à nourrir des serpents sacrés et qui étaient les oracles de la Terre Mère. Ces temples étaient dirigés par des prêtresses, lesquelles pratiquaient un amour sacré, dit hiérogamie, ou union du principe masculin et féminin. Cela était pratiqué avant que la notion de pécher ne vienne salir la chair et démoniser le féminin. Il y a des traces de cette culture dans tous les mythes du monde. En Inde, la Terre y est conçue comme le ventre de la Mère, comme une vaste matrice de vie. La Déesse Mère est maîtresse de la vie, de la fécondité. Partout la Mère donne la vie et la maintient. Mais pas seulement cela, car on a toujours enfermé le féminin dans ce seul rôle nourricier. Elle est aussi conçue comme créatrice des mondes. Et si l’on prend l’Egypte, par exemple Isis, c’est la Grande Mère, avec Nout et Mat qui sont les trois grandes figures du Divin, Mat étant la Déesse de la justice, celle qui pèse les âmes. Donc la première représentation du Divin est féminine. C’est une mère qui donne, qui est généreuse et qui produit. Or partout, ce fait a été occulté.

Les vénus préhistoriques sont-elles aussi des représentations d’un Divin Féminin ?
On les a appelées des vénus, car en Patriarcat on voit toujours la femme comme celle qui donne du plaisir. Ce qui est une idée qui n’est pas fausse sauf que la femme n’est pas là seulement pour procurer du plaisir à l’homme, elle n’est pas un instrument, elle, aussi, jouit. Or on ne parle pas beaucoup de jouissance féminine en patriarcat. La hiérogamie, cette union des deux principes féminin et masculin, est l’acte le plus sacré. On a retrouvé de très beaux chants de la hiérogamie primitive à Sumer. On se rencontre que la hiérogamie va ensuite s’adapter aux premiers temps de l’ordre patriarcal. La prêtresse deviendra la prostituée. Dans un premier chant, la prêtresse est le centre vers lequel se dirige l’homme. Il vient vers elle. C’est très beau. Elle l’appelle mon porte-fleur, mon porte-fruits etc. Elle lui dit, Tu vas mourir car tu as caressé ma vulve. Apparemment, on ne comprend pas quel est le lien entre cet amour et la mort. Puis on s’aperçoit que l’amour sacré se terminait par le sacrifice de l’amant. Il faut savoir que cette époque ne connaissait pas la guerre. Par contre, elle connaissait le sacrifice rituel de l’amant consort, un sacrifice réel et non pas symbolique. La grande prêtresse incarnait le Divin sur terre. En s’approchant d’elle, l’amant passait de la condition humaine à la condition divine, il s’introduisait dans la Porte du Divin. Il y avait cette croyance qu’il mourait au monde pour renaître divin dans une autre vie. On disait qu’il renaissait comme serpent oraculaire qui rapporte les prophéties du ventre de la terre.

Quelles sont les grands symboles de ce Divin Féminin ?
Il y a une Américaine qui a fait un travail remarquable mais qui est malheureusement décédée aujourd’hui. C’est Maria Djimboutas. Elle a fait un énorme travail de décryptage de tout ce symbolisme féminin existant sur les objets archéologiques. On y trouve la vulve, la représentation la plus sacrée et la toute première de l’humanité. Elle est représentée comme un rond, une noix fendue ou comme un triangle. Ce triangle devient aussi la porte. On retrouve ces mêmes symboles à Sumer. C’est la même représentation du triangle divin, comme dans les Cyclades, en Afrique, ou encore en Inde dans les vieilles civilisations de Mohanjo Daro etc. Un autre symbole important est celui de l’oiseau car la Déesse est souvent représentée par un oiseau. On retrouvera cet oiseau dans la Christianisme et dans la Gnose. L’oiseau, c’est l’esprit qui vient visiter Jésus. Le rôle de l’oiseau est très fort dans les mythes écrits de Sumer. On voit souvent le héros magnifique, Gilgamesh, qui va combattre, non pas la Déesse mais le vilain oiseau, l’oiseau monstrueux. On retrouvera après ces oiseaux de mauvaise augure que va combattre Héraclès. Après encore, Lilith la démone sera représentée comme la chouette, l’oiseau de nuit. On assiste ici à l’inversion complète des symboles où l’oiseau du jour, de lumière, devient l’oiseau maléfique, l’oiseau de nuit. Ainsi, avec la montée des Dieux patriarcaux, la Déesse sera transformée en démone.

Pourquoi cet acharnement du masculin à dominer ?
Après avoir bien étudié tous ces mythes de Sumer, je crois qu’au départ, le révolté de l’histoire patriarcale c’est Gilgamesh. Il y a aussi d’autres figures masculines comme Baal etc. Gilgamesh, donc, tue la Grande Prêtresse. Il tue l’oiseau et devient la premier roi permanent de l’histoire. Le mythe est très clair. Gilgamesh traverse des mers démontées et s’approche de l’oiseau. Alors l’oiseau veut l’emmener à sa couche. On comprend que c’est une femme, une Grande Prêtresse qui veut pratiquer la hiérogamie, comme cela s’est toujours fait. Je crois que la révolte masculine vient du fait que l’idéologie change et que Gilgamesh ne veut pas mourir pour les beaux yeux d’une femme. A un moment de l’histoire, un consort, qui doit être sacrifié, se révolte et tue la Grande Prêtresse. Car, pour lui, il n’y a pas d’autre alternative. Ainsi s’écroule complètement cette première culture du Féminin.

Mais comment expliquer un renversement si brutal et définitif ?
On s’aperçoit dans les mythes de Sumer que ce renversement ne fut pas brutal. Il y a eu de nombreux retours en arrière, les gens ne se sont pas laissés faire. Il a fallu les matraquer. Les premières guerres, d’après les mythes, on été fomentées entre ces deux idéologies inverses, celle qui gravitait autour de la Mère Divine et l’idéologie du Père Guerrier, lequel est désacralisateur par essence puisqu’il vient conquérir le monde de la Mère. Il y a un très beau mythe qui s’appelle la destruction et la reconstruction de la ville d’Ur en Chaldée. On sait que cette ville fut détruite par les Elamites et on sait qu’une déesse régnait sur cette ville. Des Dieux Mâles font leur apparition. Puis on s’aperçoit que le culte de la Mère est interdit, que c’est un pécher, et que l’on en persuade les prêtres qui sont en place dans la ville. Les temples ont été reconstruits à la gloire du Dieu et non plus de la Déesse. D’ailleurs, il y a de très beaux chants de lamentation qui disent, reviens dans ta ville, reviens voir tes filles, tes fils, reviens dans ton temple… Ce qui se tournaient vers son culte étaient maudits et même pire que ça, ils étaient décapités. Ce texte indique clairement que cela ne s’est pas fait brutalement mais a été asséné en plusieurs fois et à chaque fois le peuple continuait à invoquer la Mère. Car ces gens se sentaient probablement plus proches de la Mère Nourricière que du Père Guerrier. On le voit également bien dans la Bible. Yahvé tempête constamment contre les adorateurs de constellation, ceux qui vont sur les hauts lieux. Ce sont en fait les anciens adorateurs de la Déesse. On voit bien que il y a toujours eu ces révoltes autrement il n’y aurait pas eu ces récriminations répétées. Puis on arrive au Christianisme qui va se rattacher au Judaïsme. Là j’arrive au thème de mon dernier livre, " Jésus et les femmes. " On a retrouvé des textes dans le désert égyptien, à Nag Hammadi, en 1945 dans lesquels on voit un tout autre visage de Jésus.

Dans ce nouvel ouvrage, " Jésus et les femmes " vous dénoncez une figure fallacieuse de Jésus que transmet le Christianisme officiel ?
En effet, tout d’abord, contrairement à ce qui est toujours dit, Jésus n’était pas exclusivement entouré de disciples mâles. Le patriarcat était pourtant bien installé dans le milieu juif. De Même, on dit rarement qu’il y a deux récits de la Création dans la Bible. Le premier dit que Eve naquit d’une côte d’Adam, puis deux pages plus loin, il est dit que homme et femme il les créa. Il y a donc dans cette deuxième version l’idée d’égalité, l’homme et la femme étant traités de la même façon. Pour en revenir à mon dernier livre, on a retrouvé en 1945 des manuscrits qui avaient été interdits. Ils étaient enfermés dans une jarre elle-même enfouie dans le sable. Ils sont écrits en Copte sur des papyrus. On dit que la plupart de ces écrits datent du Quatrième Siècle, ce qui n’est pas vrai. En réalité, ces écrits sont antérieurs aux Evangiles Canoniques, par exemple, l’Evangile selon Marie, selon Magdala. On disait tout à l’heure qu’il y avait des disciples femmes autour de Jésus. Ces manuscrits gnostiques le montrent parfaitement car ils donnent des noms, Marie, Salomé, Marthe la sœur de Marie, la mère de Jésus. D’ailleurs, l’Evangile selon Philippe dit que Jésus était toujours accompagné de trois Marie depuis ses débuts de prédicateur en Galilée. Il faut connaître ces Evangiles qui ont été interdits puis ensevelis par l’Eglise, laquelle a voulu rattacher Jésus au Judaïsme. Or le Jésus qui apparaît dans ces textes est un sage qui a beaucoup de point commun avec Lao Tse et avec tous les grands mystiques du monde, lesquels veulent faire l’alliance entre le féminin et le masculin. Ainsi le Jésus de la Gnose dit à l’homme qu’il ne peut pas avancer s’il prétend ne garder qu’une partie de lui-même, à savoir sa face masculine. Il est infiniment sympathique pour nous les femmes mais aussi, à mon avis, pour l’ensemble de l’humanité. Il veut rendre à chaque individu les deux parties dont il est composé, le masculin et le féminin.

Ainsi, le Jésus de la Gnose est le premier féministe de l’histoire ?
Si l’on veut. En tout cas, quand on lit les Evangiles selon Marie, selon Philippe et même selon Thomas, on y trouve, non seulement, cette idée de nécessaire réconciliation entre le féminin et le masculin de l’humain, mais aussi, entre l’homme et la femme. En revanche, l’Eglise selon Pierre est très misogyne. Personne, d’ailleurs, n’en fait mystère car c’est écrit dans les textes canoniques. Jésus, au contraire, s’opposait à l’optique du Judaïsme de l’époque selon lequel la femme était confinée à la maison. D’ailleurs Jésus fut vilipendé par les premiers évêques, comme Irinée de Lyon au II è Siècle, qui dira que les gnostiques acceptent dans leurs rangs des prostituées, ces femmes qui se promènent avec eux, qui font de la prédication, qui enseignent. Le Jésus que l’on découvre dans ces textes gnostiques est profondément humain, différent, ne reniant non plus pas la sexualité et disant " Ne méprisez pas la sexualité autrement elle va vous dévorer. Ne l ‘aimez pas trop non plus car elle va vous obnubiler ". Il réconcilie donc l’homme et la femme, mais aussi le corps et l’esprit. Ainsi Jésus apparaît comme le sauveur du féminin car en patriarcat, la femme a tout simplement perdu son âme. Elle est réduite à son corps pour le plaisir de l’homme. On le voit d’ailleurs encore autour de nous aujourd’hui, avec la publicité sexiste qui érotise et objectivise à outrance le corps des femmes.

Comment avez-vous eu connaissance de ces Evangiles interdits de Nag Hammadi ?
Je venais de terminer le livre sur les mythes de Sumer et je suis tombée sur un livre très intéressant d’Elaine Pagel qui parle de ces Evangiles interdits. Elle cite ces textes, mais ne fait pas de commentaires. J’ai eu alors envie d’aller voir. Je les ai trouvés très difficilement dans une librairie à Vézelay, dans une édition du Québec. Aujourd’hui on peut les trouver à Louvain et à la librairie Copte de Montréal. Physiquement les manuscrits sont dispersés à Berlin, à l’Ecole de Jérusalem etc. Quand on revient vers les Evangiles Canoniques après avoir lu les Evangiles Gnostiques, on s’aperçoit qu’il y a également des strates dans les Canoniques. On retrouve même la strate gnostique mais dissimulée, par exemple le rôle de Marie de Magdala qui est très proche de Jésus. Dans la Gnose, elle est son amante et sa disciple préférée. Or le Christianisme officiel dit que c’est Jean qui était le disciple préféré. Or étrangement il n’est jamais nommé dans les Canoniques, alors que Pierre, Mathieu et Thomas le sont. Il y a vraiment là un blanc, comme si l’on avait découpé un visage qui gênait sur une photo de famille. Car l’amour entre Jésus et Marie de Magdala est à la fois charnel et spirituel, comme devrait être l’amour. Mais cela le patriarcat ne peut pas l’accepter. Car il ne veut pas de cette alliance d’amour entre l’homme et la femme, mais plutôt que la femme soit l’esclave et la servante de l’homme. Le patriarcat a tout intérêt à nous tenir loin de notre âme et de notre esprit. C’est pour cela que les femmes ont été écartées. Et dans les sociétés actuelles les plus patriarcales, c’est comme si la femme n’avait pas d’esprit et ne pensait pas.

Pourquoi cette obsession de négation de la femme dans les religions patriarcales ?
Cette impureté de la femme mais plus que cela cette profonde misogynie, cette négation de l’humanité dans son sexe féminin, on le trouve dans les trois monothéisme de façon exacerbée. On le trouve aussi ailleurs. Ce chemin a aussi était fait en Inde. Mais ce qui frappe en Inde et aussi attire, c’est qu’il y a encore cette image du grand féminin malgré tout. Dans les temples, on peut retrouver du divin féminin. Alors que chez nous, on a l’impression qu’il s’agit d’un folklore barbare, de pure imagination. Même avec les universitaires, parler du divin féminin leur semble carnavalesque. Pour elles, le divin féminin est uniquement mythique. Elles ne voient pas que le mythe a été de l’histoire. C’est là-dessus que ce porte mon travail. Contrairement à ce que disait Yung, le mythique n’est pas un archétype figé, c’est aussi de l’histoire. Or si l’on reste dans le mythe, par exemple des amazones, des femmes fortes, donc dans l’inconscient collectif, cela ne fait de mal à personne puisqu’on l’a décapé de son historicité pour le laisser dans une espèce de noman’s land, hors du temps et de l’espace. Alors que c’est curatif de souligner qu’il a existé du féminin autre que patriarcal, qui ne soit ni souillé, ni démonisé. Le mariage souillé est le mariage patriarcal qui est l’union d’un dominant et d’une dominée. Le Jésus de la Gnose parle de l’union spirituelle et sexuelle d’un masculin libre et d’un féminin également libre. Il parle de l’alliance entre les deux.

Comment ces textes gnostiques et la lecture que vous en faite sont-ils reçus par les Chrétiens en France ?
En France, ce n’est pas du tout reçu pour deux raisons. D’une part, la spiritualité, on ne connaît pas. D’autre part, soit les gens se placent sous la religion officielle, le christianisme, soit ils vont vers des religions comme le Bouddhisme. Or le Jésus de la Gnose est très proche du Bouddhisme. Mais comme ici, on se méfie du féminin, de la spiritualité, des sextes, la France se ferme à un courant qui ailleurs est un Fleuve, par exemple, en Amérique, au Québec et même en Belgique où je suis publiée. Les idées que je défends sont débattues en Amérique du Nord où se trouve, d’ailleurs, la majorité de la recherche féministe et de la recherche tout court.

Vous n’êtes donc pas seule à défendre cette thèse ?
Il existe de nombreux auteurs qui font, ou on fait, les mêmes recherches. J’ai parlé tout à l’heure d’Elaine Pagel qui a publié " Les Evangiles interdits ". J’ai aussi parlé de Maria Gimboutas qui est archéologue et qui a fait un énorme travail sur le décryptage des symboles de la culture du féminin à l’âge du Bronze dans toute l’Europe. Son livre, " The language of the Goddess ", n’a pas été traduit en français. De même Anne Behring et Jules Cashford ont écrit " The myth of the Goddess ", ouvrage qui n’est non plus pas traduit en français. Et avant cela, Merlyn Stone a publié au Québec " Quand Dieu était femme ". Tous ces auteurs-là sont anglo-saxons. En France, il y a Françoise d’Eaubonne qui a fait un travail sur les femmes avant le patriarcat, livre qui fut publié par le Seuil il y a vingt ans. Mais il faut aussi citer les précurseurs. Il y a Graves qui a écrit en 1920 " Les mythes grecs " où il décrypte ces mythes antiques à la lumière du combat entre le masculin et le féminin. Il faut aussi cité Fraser qui a écrit " Les Rameau d’or ". Il a fait un travail gigantesque à travers les mythes d’Egypte, de Grèce, de l’Inde, des Esquimaux etc. Ces trois tomes sont passionnants, présentant les mythes tels que ceux des amazones, le sacrifice de l‘amant consort de la Déesse etc. Rien n’a échappé à cet homme qui écrivait au début du XXe Siècle. Il était d’ailleurs lui-même effrayé par ce qu ‘il découvrait. C’est de tout cela que je me suis inspirée.

Pourquoi, d’après vous, ces recherches actuelles, ainsi que les théories féministes, viennent aujourd’hui principalement des pays Anglo-saxons, en particulier d’Amérique ?
Il y a une misogynie en France qui est encore très prégnante, sans aucun doute issue de la culture judéo-chrétienne. On s’aperçoit que les pays protestants sont plus libres. C’est également le cas de la Hollande et de la Belgique. Ils ont, dans ces pays, un esprit plus rebelle. Ils n’acceptent pas le Pape, les Evêques et toute cette hiérarchie que l’on trouve dans le Catholicisme. Ainsi chez Saint Paul et Saint Pierre, on lit constamment, soyez soumis à vos maîtres, soyez soumises à vos maris… Et Pour terminer par mon dernier livre, on peut presque dire que le principal combat du Jésus de la Gnose est la hiérarchie. C’est l’amitié et l’horizontalité et non pas cette verticalité profondément stérile et injuste de la hiérarchie.

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